Home » 3615 my life, Legislation, Nouveau monde

Entreprendre

29 novembre 2010 3 commentaires
tags : , ,
Download PDF

Crédit Photo : Claude Bezzina

Le grand troll du moment, c’est la CET (contribution économique territoriale). C’est un tout nouvel impôt qui vient remplacer la taxe professionnelle. Souvenez-vous, il y a 18 mois, on avait entendu des cris dans les collectivités locales qui s’inquiétaient de la disparition de cette taxe qui allait vider leurs caisses plus vite que Super Cochon.

Heureusement, lorsqu’une taxe s’éteint, une contribution s’éveille. Bon, donc, c’est quoi cette bestiole ? C’est une double contribution prélevée à la fois sur le foncier et sur le bénéfice.

Le foncier, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas uniquement les murs dont vous êtes propriétaire. Dans ce cas, ce sont aussi les immobilisations et tout un tas d’autres choses absolument imbitables. Le bénéfice, ça ne concerne que les gens qui font plus de 150000 euro de chiffre d’affaire.

Pourquoi ça fait du bruit ? Parce que l’état a fait croire à tout le monde que le statut d’autoentrepreneur était soumis à un impôt proportionnel au chiffre d’affaire limité à 23% (ou moins pour les ventes de marchandises).

Beaucoup en ont déduit que si CA = 0 alors impôt = 0. C’était même écrit dans certaines communications officielles. Mais c’est raté.

A l’occasion des divers trolls, cantonnés entre les « tous des salauds » de ceux qui se sentent floués et « vous auriez dû lire les petites lignes » de ceux qui savent très bien que le statut d’autoentrepreneur n’est pas le miroir aux alouettes promis par l’état, j’ai lu beaucoup de choses qui m’ont hérissé les poils et fait tourner le gourdin.

Lorsqu’on veut entreprendre, il faut …

Au hasard des lectures, on trouve « … de l’argent », « … un business plan béton », « … être bien entouré », « … y avoir beaucoup réfléchi », « … avoir fait une grande école », « … être dingue », etc.

Lorsque je me suis lancé, en 1998, j’avais 500 francs en poche, une très vague idée de ce que je voulais faire dans la vie, aucun contact que ce soit avec ne serait-ce qu’un seul entrepreneur, un avocat ou un fiscaliste, le niveau de réflexion qu’on peut avoir sur l’avenir et le monde du travail lorsqu’on a 20 ans et un bac+2 péniblement attrapé. Bon, par contre, OK, jétais dingue (et je le suis toujours).

Alors oui, c’est beaucoup plus facile de créer (et de faire vivre) une entreprise lorsque papa est inspecteur des impôts, que maman est une riche héritière, qu’on sort de l’ENA et que tous ses petits camarades de classe ont déjà monté 5 boîtes chacun.

Mais sans rien de tout ça, on y arrive aussi, puisque mes 2 camarades et moi, nous arrivons après 12 ans d’activité, à nous payer un salaire correct, à faire autour de 800.000 euro de chiffre d’affaire annuel tout en continuant de nous amuser dans notre petite boîte.

Et puis on peut aussi  vouloir juste vendre 2h de coup de tondeuse le weekend pendant l’été, un tas de matériel qu’on a récupéré à bon prix l’hiver et du conseil en décoration d’intérieur à l’occasion sans pour autant que ça devienne des activités à plein temps.

Entreprendre, c’est changer de vie

Non, entreprendre, ça peut très bien se faire à coté d’une vie de salarié traditionnelle. Les deux ne sont pas incompatibles, je l’ai fait pendant 5 ans. On peut très bien vouloir occuper une heure par jour à une activité lucrative sans pour autant vouloir renoncer à la sécurité (toute relative) du salariat.

C’est la où nos amis politiques ont été franchement des empaffés. Enrober un truc déjà existant dans un joli papier cadeau en le refilant aux gens avec un petit mot « allez y, de toute façon, si vous ne gagnez pas d’argent, vous n’en aurez pas à payer ».

Intention louable, mais ça a été mal bordé. Soit on veut permettre aux gens de goûter à autre chose que le salariat sans prendre de risque, soit on ne le fait pas. Là, on nage dans le flou entre les deux.

Faire un tarif bas, c’est pas bien

Sûrement pas bien pour ceux qui pratiquent un tarif plus élevé et qui vont donc perdre leur clientèle. Les entrepreneurs qui hurlent à la concurrence déloyale me font bien rire. Vous avez fait quoi, vous, pour vous lancer ? Vous avez vendu un truc plus cher que tout le monde et vos clients sont arrivés là comme par magie ?

Non, ça ne me choque pas qu’un entrepreneur se vende 50 euro la journée. C’est son droit, et s’il veut vendre tous ses samedi à 50 euro et qu’il est content, au final, avec ses 200 euro dans le mois, il n’y a aucune raison de lui prendre plus de 50 euro en taxes diverses. Ça fera toujours 50 euro de plus que si ça avait été fait au black.

Si vos clients vous lâchent parce qu’ils ont trouvé un truc à 50 euro alors que vous le vendez 200 ou 2000, il faut commencer par vous poser des questions sur votre produit et votre façon de le vendre avant d’aller hurler à la concurrence déloyale qu’il y aurait en face.

C’est l’éducation du client. Lui expliquer que dans un prix il y a ce qui est écrit dans la publicité et tout le reste. Si on prend l’exemple de l »hébergement de site internet, vous trouverez des hébergements qui, à caractéristiques techniques strictement équivalentes, auront un tarif allant de 1 à 100 euro par mois. Est-ce pour autant que celui qui le vend à 1 euro fait de la concurrence déloyale et celui qui le vend 100 euro est un arnaqueur ? Non.

La morale de l’histoire

C’est que pousser les gens à prendre conscience qu’on peut vivre de son activité sans avoir un patron, c’est très bien. Dire que l’accès à cette façon de travailler est facilité, c’est très bien, le faire en vrai, ce serait encore mieux.

Il y a, dans l’autoentreprise, deux grands mondes. Ceux qui veulent se lancer en solo avec un risque minimum au début, histoire de tester leur idée et ceux qui ne veulent qu’arrondir légalement leurs fins de mois sans avoir une montagne de démarches administratives à gérer. L’autoentreprise telle qu’elle existe aujourd’hui a été vendue comme une réponse aux deux problématiques mais en réalité elle ne correspond qu’au premier cas.

Il faudrait donc un vrai nouveau statut, sans surprises du type CET, et avec un plafond beaucoup plus bas (10000 Euro, par exemple) permettant réellement d’arrondir ses fins de mois avec une seule démarche de déclaration et de paiement.

3 Comments »

  • Richard DELOGE said:

    J’ai créé mon auto-entreprise en Juillet 2009 pour faire du développement en freelance. A l’époque j’étais étudiant (je viens juste de terminer le 30 Septembre dernier) et cela m’a permis de ne plus travailler au noir (avec un CA de 6500€ pour la première année, ou je n’ai travaillé que 6 mois à mi-tps, je m’estime heureux).

    Personnellement, j’ai continué (même si jusqu’à Octobre, j’ai mis mon activité en pause pour finir mes études) pour en faire mon activité principale (j’ai été salarié pendant 2 ans, en // à mes études et cela ne me convenait plus…).

    Le gros avantage de ce statut, pour ma part, je dis bien « pour ma part », est de pouvoir proposer des prestations aux TPE/PME à un tarif abordable pour des réalisations assez complexes (vendu plusieurs dizaines de milliers d’euro par les SII ou webagency, 10k€ par moi environ), tout en ayant une gestion très simplifiée, je suis un professionnel libéral, je ne souhaite pas passer une partie de mon temps à faire de la paperasse comme l’a fait mon père pendant plus de 20 ans pour gérer sa propre boîte…

    Cependant, même si mes tarifs sont relativement bas, je peux quand même me dégager un « bon salaire » (environ 2000 à 3000€ par mois, en province, c’est bien), tout en ayant une bonne protection sociale (ma mère, orthophoniste, en libérale également, verse 3 fois plus de charges que moi, mais est bien moins protégée que moi-même à la base…), tout en permettant à mes clients de réaliser des projets intéressants, qu’ils auraient sans doute abandonné avec les tarifs proposés par des entreprises plus classique. Plusieurs de mes partenaires (AE également) font se même constat. En ce qui concerne mon activité, il s’agit donc principalement d’un nouveau marché…

    Le statut d’AE réponds donc bien au premier besoin, celui de deux qui veulent tenter l’aventure de entrepreneuriat sans trop de risques, cependant, pour ceux qui recherche une activité secondaire, ce statut n’est pas adapté… il se retrouve de plus à payer deux fois la sécu et la retraite pour une activité complémentaire qui est loin d’être la principale….

    Je suis pour aussi la création d’un autre statut, séparé de l’AE, tout en étant inspiré, qui permettrais justement d’arrondir ses fins de mois avec un CA limité à 6000€ par exemple, mais soumis à aucune autres taxes, impots ou charges que celui sur le revenu…

    Cependant, pour la petite histoire de la CFE, il suffisait pourtant de demander le versement libératoire, pour être éxonéré pendant 3 ans de la CFE… en plus, vous payez l’IR en même temps que les charges sociales… cependant, ça n’empêche pas les impôts d’avoir des couacs et de vous la réclamer quand même (mais la régularisation se fait rapidement)

    Sinon, en parlant de l’entreprenariat en France, il y a un nouveau statut, compatible avec l’AE ainsi qu’avec tout les autres statuts TNS : EIRL, qui permettra de séparer son patrimoine pro et privé, afin de lui faire courir moins de risques ^^

    Autre chose à propos de la CTE, de l’aveu même de la gentille dame de mon centre des impôts, absolument rien n’est encore mis en place (les logiciels ne sont même pas encore livrés) pour gérer la CTE…

  • fb251 said:

    Le truc le plus dérangeant dans cette histoire c’est que mêmes des AE ayant opté pour le prélèvement fiscal libératoire (donc exonéré pendant trois ans de la « Contribution foncière des entreprises » [CFE]) ont reçu cette CFE.
    Un petit mail au contrôleur des impôts avec citation de l’article 1464 K du CGI et c’est réglé, mais combien vont se faire avoir et être désarmé ?

    Là il y a un vrai problème quant à la parole donnée et au respect de la loi, au pénal on appellerait ça tentative d’extorsion de fonds…

    Pour le reste, oui ce serait bien de faire un statut très simple (et éventuellement d’en supprimer d’autres en quantité : AE, EI, EIRL), néanmoins l’AE représente un très gros progrès : il ne faut pas avancer les charges sociales aux vampires de l’URSSAF ; ça devrait être la règle plutôt que l’exception.

  • Aurélien said:

    Merci Spyou, je me sentais un peu comme un parasite au vu de ce que j’ai lu à droite et à gauche sur internet…
    Me concernant, je suis AE depuis bientôt deux ans en parallèle de mes études.
    J’ai voulu être AE pour déclarer ce que je faisais auparavant au black (et, ok, j’ai pu avoir certains « contrats » uniquement grâce à ce statut).
    Je me vends relativement peu cher et cette activité me permet juste de me payer des sorties et de me faire plaisir de temps en temps (péniblement quelques ke/an).
    Heureusement j’ai opté pour la bonne option qui fait que je n’aurais pas à payer ce « truc »… Moi j’ai cru aux impôts en %age du CA.
    Mais vu que l’exonération ne court que trois ans, il est certain que je cesserai mon activité au bout de ces trois ans. Ce qui pourra passer au black y passera, le reste tant pis.
    J’ai pas envie de monter ma boite maintenant, et vu le bénef que je fais par heure une fois les 23% d’impôts payés, si une nouvelle taxe s’ajoute, autant que j’arrête de bosser « à coté ».

Leave your response!

Add your comment below, or trackback from your own site. You can also subscribe to these comments via RSS.

Be nice. Keep it clean. Stay on topic. No spam.

You can use these tags:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

This is a Gravatar-enabled weblog. To get your own globally-recognized-avatar, please register at Gravatar.


deux + 2 =