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Internet par et pour les collectivités (4)

13 mars 2014 6 commentaires
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Eglise de Serbonnes

Eglise de Serbonnes / Installation hertzienne

Vous débarquez ? Je vous invite à commencer votre lecture par le début de cette série ou, si vous êtes plus intéressés par la technique, par cette autre série d’articles.

Dans le dernier épisode, je vous ai vendu du rêve en parlant de très haut débit qui crée de l’emploi. Vous vous en doutez, c’est pas simple comme bonjour, mais pas loin.

Si vous avez tout bien suivi, vous savez qu’on peut emmener du 100Mbps un peu partout pour un prix avoisinant les 2000 € par mois. Inabordable pour un particulier ou une PME, mais beaucoup moins pour une collectivité (qu’elle soit publique ou privée). Reste que tout le monde n’est bien souvent pas agglutiné dans un même lieu et qu’il faut donc transporter cette connexions à différents endroits pour pouvoir toucher toutes les personnes intéressées.

Dans une vision cible, ce transport devrait être en fibre optique : fiable, durable, permet la montée quasi illimitée du débit, etc. Mais en attendant d’avoir les finances pour le faire, les ondes sont une bonne solution de repli. Dans le fond il n’est en plus pas plus compliqué de changer une antenne accrochée à un toit que de réparer une fibre cassée par une pelleteuse.

Exemple d’une zone industrielle avec dix entreprises :

Sans mutualisation des moyens de connexion :

  • Chacune des 10 entreprises se débrouille et paye 1000 euro par mois pour avoir 10Mbps.
  • Budget total : 50.000 € d’installation et 10.000 € mensuel pour un débit de 10Mbps chacun

Avec mutualisation :

  • dix entreprises payent 2500 € d’installation et, collectivement, 2000 euro par mois pour avoir 100Mbps
  • soit un prix par entreprise passant de 1000 à 200 euro pour un débit nominal identique
  • ajoutez 300 euro de plus par entreprise, vous pouvez payer une personne compétente à mi temps  pour s’occuper de monter le réseau et de s’en occuper à long terme et il vous reste un reliquat pour payer un contrat de maintenance 24×7 pour les urgences
  • vous avez 10 entreprises qui bénéficient de 100Mbps avec 10Mbps garantis pour leur usage propre pour deux fois moins cher , vous avez crée un demi ETP et vous favorisez la cohésion de la zone

Cas d’une communauté de communes :

Sans mutualisation :

  • Chaque entité prends une ou deux lignes ADSL, payant chaque fois 40 à 70 €.
  • Il y a 50 lieux desservis, mairies, écoles, salles diverses, etc.
  • Budget total : 3500 € mensuel pour un débit variant de rien à 20Mbps

Avec mutualisation :

  • une connexion à 100Mbps pour 2000 euro par mois est souscrite pour l’ensemble de la collectivité
  • un réseau est construit pour desservir la totalité des 50 sites de la communauté de commune en hertzien (~25000 €)
  • le débit disponible est de 100Mbps, partagé entre tous
  • l’ensemble des sites sont interconnectés, permettant l’échange rapide de fichiers, les sauvegardes, l’impression distante, etc.
  • 500 € par mois servent à rembourser l’emprunt court effectué pour construire le réseau
  • 1000 € mensuel ont été dégagés pour permettre de payer un mi temps de technicien informatique pour entretenir le réseau et assister la collectivité avec tous ses problèmes courants

Et les autres ?

La même solution de mutualisation peut être utilisée pour les particuliers. On peut même mixer l’ensemble de ces solutions pour réduire encore les coûts, les particuliers utilisant massivement le réseau le soir, la nuit et le weekend et les entreprises et collectivités le reste du temps.

On peut même imaginer que ce type de réseau soit ouvert aux initiatives associatives ou commerciales qui en feront usage pour ce que bon leur semble.

Ou est l’arnaque ?

Vous vous en rendez bien compte, il y a une entourloupe, et même plusieurs :

  • pas d’opérateur commercial sur lequel on peut râler quand ça ne marche pas.
  • pas de services fashion type TV HD ou téléphonie illimitée, mais est-ce vraiment une priorité pour les collectivités et les entreprises ? Je ne penses pas. Et j’entends même de plus en plus de particuliers me dire qu’ils préfèrent le replay sur internet.
  • et surtout pas de garanties assurées par un tiers, il faudra tout se taper soi même.

Mais tout ceci n’est pas hors de porté, il va juste falloir travailler un peu et avancer.

Ces méthodes ne sont pas sorties d’un chapeau magique. Elles sont employées avec succès, tant par le publique que par le privé ou la sphère associative (mairie de Dammarie les Lys, fédération FDN, Numéo, associations Tétaneutral et Pclight …) et elles ne sont pas exclusive d’autres déploiement et d’une avancée vers la cible fibre optique.

Il faut se souvenir que la mutualisation est à la base même d’internet et que sous tous leurs beaux discours, les grands opérateurs passent leur temps à l’employer. Elle n’est simplement jamais arrivée jusqu’à l’utilisateur final pour de simples questions financières : il est plus intéressant, pour le privé, de vendre un second accès au voisin plutôt que d’expliquer à son client existant comment il peut partager.

L’évolution logique de ce genre de solution est un fibrage de proche en proche, en fonction des opportunités créées par d’autres travaux d’aménagement, des disponibilité budgétaires, des consommations constatées, des manifestation d’intentions d’investissement de la part d’opérateurs, etc.

Évidemment, sur le papier, c’est moins joli qu’un beau réseau départemental ou régional homogène chapeauté par un délégataire privé qui s’occupera de tout contre un gros chèque. Mais ce réseau là, d’autres l’ont fait, et ils se sont presque tous immanquablement pris un mur car investir des millions sur la foi d’un consultant qui a l’air très sur que sa carte de déploiement est la bonne sans avoir aucune vision du besoin réel est une hérésie. Tatie Jacqueline est peut être très contente de ses 512Kbps.

Évidemment, pour faire ce premier petit pas, il faut admettre que le wifi est un mode de transport comme un autre (on peut s’aider des pigeons voyageurs pour ça) et envisager une solution temporaire assez éloignée d’Orange et de son triple play téléphone illimité télé HD, mais mon petit doigt m’a dis que les personnes qui, aujourd’hui, n’ont pas de débit sur leur connexion Internet ont déjà la télé par la TNT ou le satellite et probablement également un téléphone mobile avec, au besoin, des forfaits contenant les appels illimités. On pourra donc aisément se satisfaire, au moins temporairement, d’un accès à internet et rien d’autre.

Mais à défaut de beau réseau de grande envergure et d’offres multiplay, au moins, avec un petit début modeste comme celui ci :

  • Nous aurions une réponse à apporter aux personnes qui quittent nos territoires pour aller s’entasser en Ile de France pour vivre ou travailler.
  • Nous aurions une solution à investissement ultra réduit qui n’hypothéquera en rien les possibilités futures d’investissements plus lourds et qui permettra de constater sur pièce les besoin en débit qu’on ne peut pas deviner autrement.
  • Nous favoriserions l’implantation d’entreprises existantes ou de nouvelles, y compris dans les formes d’entrepreneuriat basées sur le partage et la co-construction et nous créerions de l’emploi.

Et surtout … nous pourrions envisager demain plus sereinement.

Il est donc grandement temps que les clivages et intérêts privés soient mis de coté, au moins sur cette question d’aménagement numérique, pour que nous puissions avancer.

Je suis à disposition de qui veut pour discuter de tout ça.

6 Comments »

  • Kiwi said:

    Marrant, j’avais eu la même idée en 2003 quand j’étais en copro à Paris (200 lots habitation), on m’avais pris pour un fou…

    Genre poser une ou 2 darks fiber. Leur coller du giga dessus, quelques cisco ou openbgpd, remonter vers TH2 et/ou LDCOM, et mettre du 100Mbps Ethernet chez tout le monde.

    On m’as pris pour un malade, surtout l’argument « à la con » : il n’y a pas de TV et téléphone…

    A 5 Euros par mois (aller 10€ pour payer le gars qui fait un peu de maintenance) avoir 100Mbps full-duplex ?

    Bref, surement dans les petits villages ca doit marcher. J’essayerais plus tard quand je partirais de la région parisienne :)

  • fredoche said:

    Salut Bruno

    Ca faisait longtemps que je n’étais pas passé par là, un lien pointant vers tes articles hadopi et le vpn m’a incité à lire l’actu du blog

    Je partage tout ce que tu écris, et il est plaisant justement de le trouver écrit, formalisé et motivé.

    Je me pose souvent la question du facteur déclencheur, de ce qui ferait que nous passions d’un rêve tout à fait crédible à une réalisation à une échelle raisonnable.

    A ton calcul concernant les comcom, tu pourrais ajouter le téléphone, une belle dépense, de quoi payer un techos télécom à mi-temps.

    Dis moi si je me plante, mais je crois que des opérateurs comme Celeste t’amène le service IP interconnecté Internet à 1 Gbps pour 2000€ par mois ou moins sur les RIP fibre.
    Pour mon cas, je vois un château d’eau à 3 km de la comcom, 8 km de chez moi, avec la fibre du RIP qui se termine au pied. Un autre château d’eau n’est guère plus loin.

    pour le prix d’un NRA MED il y en aurait des choses à faire.

    Bon en attendant je suis devenu (élu plutôt) conseiller municipal, c’est pas bézef pour l’influence, mais j’espère avoir écho des projets et des discussions dans le coin à propos du haut-débit. Je vais bien sur essayer d’y participer, mais je sens que le chemin va être long.
    C’est la même région, on trouvera peut être des synergies, qui sait ?

  • fredoche said:

    pour illustration, je n’ai pas rêvé ce tarif : https://www.mail-archive.com/frnog@frnog.org/msg16266.html

  • Bruno (author) said:

    lache moi un mail avec plus de détail sur ton coin, on va voir ce qu’on peut faire … on est en guerre avec le CG89 mais on a parait-il quelques amis au CR Bourgogne :)

  • bernard said:

    Bravo pour tes articles !

    Un exemple de projet public réussi à l’échelle d’un département : l’ain.

  • Jérôme said:

    Bonjour Bruno,
    Je suis Jérôme Cervelle, un nouvel élu de notre belle commune de Ladignac le long dans le sud haute-vienne.
    Je suis enseignant en informatique, et nous portons un projet numérique avec le maire pour les personnes de la commune.
    Dans mes réflexions, je pensais éventuellement à ce que Ladignac puisse devenir fournisseur d’accès internet + meilleur débit, puisque la fibre n’arrivera pas avant fin 2025…c’est super n’est-ce pas ?
    Comment attirer de nouvelles entreprises avec des débits aussi pitoyables ? Vos articles m’ont fort intéressés et je souhaiterais pourvoir échanger avec vous en MP pour avoir votre vision actuelle (vos articles datant de 2014) et sur la façon dont vous voyez les choses aujourd’hui, en 2020, et dans un futur plus ou moins proche avec la crise sanitaire que nous vivons actuellement.
    Merci pour votre réponse et votre temps,
    Cordialement,
    Jérôme

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