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Mission couchage au chaud & au sec

21 juin 2011 5 commentaires
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Le mardi, c’est permis. La grande est à l’école, le moyen à la garderie, c’est donc le seul jour de la semaine où il y a du calme à la maison.

Du coup, fort logiquement, c’est le jour que je choisis pour en avoir ras-le-bol que personne ne se bouge pour les Tunisiens du 36 rue Botzaris. Ça tombe bien, quelques hacktivistes ont besoin d’une voiture d’un format apte à recevoir un nombre conséquent de sacs de couchage sans trop les défaire de leur carton pour pouvoir les transporter.

Je retrouve donc @MsTeshi à proximité de Gare de l’Est, affalée sur son sac, tapant frénétiquement sur son smartphone et ne percutant pas tout de suite ma présence. « Youhouuu, on va les chercher, ces sacs de couchage ? » et nous voilà partis à visiter les petites rues du 20e arrondissement pour trouver le local de l’asso Un Autre Monde qui nous a remis 20 sacs de couchage, et pas de la daube (BIG UP !).

Puis, on file aux buttes où on trouve un petit portail pas trop en vue des grandes entrées mais assez grand pour faire rentrer mon break et nous voila partis, ni vu ni connus j’t’embrouille dans le parc en bagnole, warnings allumés et roulant au pas. On croise bien quelques jardiniers intrigués de cette bagnole immatriculée dans l’Aisne qui se balade, mais personne ne nous arrête, même pas la police nationale qui referme les portières de sa voiture arrêtée en plein milieu pour me permettre de passer. Merci les gars !

On livre les deux colis à la tonnelle et me voilà reparti direction porte de Montreuil chez Décathlon pour acheter de quoi garder ces beaux sacs de couchage à peu près au sec. Retour aux buttes vers 17h avec mes 33 couvertures de survie, quelques conversations rapides, posé tranquille sur la pelouse (mouillée), un en-cas au bar du coin.

La tension est palpable. Je l’ai ressente un peu comme cette impression que j’avais, étant petit, lorsque je traversais les cités dortoirs de ma banlieue natale. Des gens que tu sais ne pas être mauvais au fond d’eux, mais que la situation pousse à bout.

Et en même temps, ces habitudes qu’ils ont de dire bonjour au premier venu, de mettre la main sur le coeur, d’engager la conversation sans savoir qui est l’autre, justement pour le découvrir.

Ils sont perdus, pensaient trouver le pays des droits de l’homme, et se retrouvent sous une tonnelle fuyante d’un parc public parisien à boire de la vodka et à fumer clope sur clope pour oublier qu’ils ont qui une main infectée, qui mal aux côtes parce que passé à tabac par on ne sait trop qui, qui mal à la tête suite à une opération chirurgicale subie avant son départ du pays.

Et puis a 18h30, après l’arrivée de Paul, je retourne bien au chaud dans ma Picardie, la honte au ventre de les laisser la bas pendant que je vais passer la nuit avec le petit braillard à coté dormir dans mon grand lit ou j’aurais probablement trop chaud.

So What ?

Oui, je sais, comme disait Coluche, « La misère du monde n’est pas de dimension humaine ». Mais vous connaissez la suite hein ? « y’en a trop de misère, alors on s’occupe de la nôtre et puis quand on n’en a pas on va pas s’en occuper hein ? Un mec qui aurait pas de misère et qui s’occuperait de misère ce serait vraiment un con. Ça s’appellerait utiliser son intelligence à ses dépends. »

Point commun entre tous les hactivistes qui sont le plus présent depuis vendredi dernier ? Nous sommes tous sans emploi en ce moment (chômage, entre deux jobs, en vacances…). Y’a pas à dire, ça libère du temps pour faire plein de choses.

Et c’est là qu’on trouve un bout de la première objection qu’ont les gens quand on leur parle de #Botzaris36 : « pourquoi eux et pas les centaines de SDF partout ailleurs dans Paris ? ». Ne parlons même pas de certains discours qui ont tendance à verser dans les thématiques de préférence nationale, restons simplement à « pourquoi eux et pas d’autres ? »

Premièrement parce que eux, il y a une semaine, ils dormaient bien au chaud. Non pas que ce soit plus grave que celui qui dort dehors depuis 10 ans, loin de là, mais simplement, ils ont été mis dehors pour des raisons politiques. Pas parce que le bâtiment était insalubre, pas parce qu’ils le dégradaient, non non, juste parce qu’il y avait la dedans des documents qu’il convenait de faire sortir.

Bon, soit. Ils sont dehors ces documents maintenant, non ? Et personne ne peut revenir dans l’immeuble puisqu’une société privée en garde l’accès 24×7. Serait-ce donc que l’ambassade de Tunisie à Paris manque de m² ? Va savoir…

En attendant, le maire du 19e arrondissement de Paris s’indigne de la situation mais ne dépêche personne sur place et ce sont donc des particuliers même pas enrôlés dans des associations qui, CENT VINGT HEURES APRES LE DÉBUT DE CETTE HISTOIRE, doivent venir aider cette trentaine de jeunes dont un peu moins d’un tiers a moins de 18 ans.

Deuxièmement parce que ces jeunes garçons ne sont justement pas Français. Ils sont venus se réfugier dans notre pays. Je vous renvoie à la définition du mot refuge, ce n’est certainement pas une dalle de béton surmontée d’un toit qui prend l’eau et avec une enceinte qui ne fait qu’un tiers de la périphérie qu’on pourrait appeler « refuge ».

Troisièmement parce que nous (Français) avons, par le passé, suffisamment soutenu le régime politique qui les à menés à cette situation pour se passer, aujourd’hui, d’essayer de recoller un minimum les morceaux.

Tu vas te faire récupérer, y’a des taupes, c’est un bordel politico-diplomatique.

Oui, fort probablement. Ça me rappel tous ces gens qui m’ont « averti » qu’hadopi allait me « récupérer ». Récupérer quoi au juste ? L’avis de mes followers sur twitter ? Celui de ma mère (coucou :)) ?

Non, franchement, je vois pas où est le problème. J’suis peut-être con.

Et t’as besoin d’étaler tes dépenses humanitaires sur ton blog et sur twitter ?

Si ça peut éveiller des vocations, oui.

Bref

Pour finir sur Coluche avec qui on a commencé, la fin du sketch, c’est « J’suis con… Heureusement que tout le monde fait pas comme moi hein… Ce serait un de ces bordeeeeel le monde… D’ailleurs c’est un beau bordel hein ?… J’me demande si tout le monde fait pas comme moi. »

Vous ne savez pas comment aider le pauvre type endormi devant le hall de votre immeuble, la main sur son litron de rouge ? Moi non plus.

Il vous arrive de détourner le regard si jamais il est réveillé, vous ne savez pas bien pourquoi et vous avez honte de le faire ? Moi aussi.

Mais là, tout de suite, vous avez un moyen très concret d’aider une trentaine de types qui sont dans la merde. Vous allez les voir, vous leur demandez de quoi ils ont besoin, vous allez leur acheter, et vous rentrerez chez vous le soir en vous disant qu’aujourd’hui, au moins, vous aurez fait une BA plus concrète que de juste donner de l’argent à la grande oeuvre caritative bidule qui va en bouffer 30% rien qu’en frais de fonctionnement. Note : l’association Action Tunisienne accepte les dons pour Botzaris36 depuis la fin d’après midi si vous n’êtes pas parisiens ou ne pouvez pas vous déplacer !

Et si vous n’avez vous-même pas d’argent pour finir le mois, pas la peine de vous saigner, une simple présence pour échanger quelques phrases est la bienvenue !

Et pour le plus long terme, j’ai une idée débile qui a germé hier et ce matin. Je vous en dirai plus d’ici quelques temps.

5 Comments »

  • deuzeffe said:

    Comment dire… Je t’envie. Je t’envie d’être près de Paris, et de pouvoir faire autre chose que seulement donner de l’argent.
    Et mon mendiant, devant la boulangerie, je continuerai à lui acheter son pain quotidien (même si BenJ me taxe de Dame patronnesse quand je lui raconte ça).

  • Bruno (author) said:

    Près de paris, c’est très relatif quand même :)

    Et ton mendiant à qui tu donne du pain, ce qui est déjà fort bien, si tu prenait 2/3 jours pour essayer de lui donner plus, un jour ?

  • deuzeffe said:

    Tu en es plus près que moi, ça c’est sûr :).

    Quant à donner plus d’autre chose, ça peut se faire, mais comme tu le dis si bien : « Nous sommes tous sans emploi en ce moment (chômage, entre deux jobs, en vacances…). Y’a pas à dire, ça libère du temps pour faire plein de choses. »

    Certes, ce n’est pas parce qu’on n’a pas de temps libre qu’on doit s’interdire de se bouger, mais ça oblige à faire des choix contraints (oxymore :p).

  • Sid-Ali BELMEHAL said:

    Merci les gars.La véritable FRANCE en action.

  • boz said:

    Bravo à toi.

    Et oui, j’aimerais faire la même chose mais je suis vraiment trop loin de Paris.

    Ce qui est navrant c’est de voir à quel point on doit se justifier, de nos jours, pour faire tout ce qui ressemble de près ou de loin à une bonne action.
    Ceux qui ne font rien ne se justifient pas. Ceux qui se bougent le cul doivent expliquer en long large et en travers pourquoi ils font ça; ils doivent jurer qu’ils ne se donnent pas bonne conscience; qu’ils n’essaient pas de faire de la récupération, et blablabla.
    On doit avoir honte de ce qu’on fait de bien.
    Un politiquement correct à l’envers.

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