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Protection des droits, oui, mais les protéger de quoi ou de qui ?

29 octobre 2012 2 commentaires
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[Cette petite bafouille a été écrite dans le cadre du 3e opus « au fil des labs« ]


« Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent connaître ». Ce temps a vu la naissance de la bande magnétique, premier objet permettant le stockage et le transport facile du son, puis de l’image.

Avec la facilité de transport est arrivée la facilité de la duplication. Cet usage était, au début, réservé aux personnes pouvant s’autoriser l’acquisition du matériel nécessaire. La vague numérique aidant, le support physique est en voie de disparition depuis une décénie. On peut sans trop se tromper, miser sur la transformation en objet de collection de tous les supports physiques comme c’est arrivé en son temps pour le disque vinyle.

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Au temps de la matérialité de l’art audio et vidéo la protection du contenu contre la copie n’était qu’une problématique secondaire. On lui préférait la protection contre le monde industriel, accusé de spolier le droit moral et parfois patrimonial des créateurs. Il semble que, dans les univers numériques actuels, le « danger » de la copie soit devenu prépondérant.

Symptôme d’une méconnaissance d’un nouvel univers, l’humain tente, souvent vainement, de reproduire ou d’imiter ce qu’il connait.

Depuis des années, les industries de la copie, constatant que leur modèle économique basé sur la rareté est menacé, ont tenté de reproduire les éléments nécessaires pour limiter les copies et en garder l’exclusivité. En anglais, on parle de Digital Right Management. Gestion des droits numériques de notre côté.

L’axe de développement majeur de ces technologies de protection est logiciel. Il s’agit d’imposer un programme précis pour consulter l’oeuvre. Le logiciel permet de quantifier et de limiter les usages fait de l’oeuvre : « Tel morceau ne pourra être lu que sur tel ordinateur avec tel logiciel pendant tant de temps ».

L’autre développement, apparu plus récemment, consiste à emprisonner l’oeuvre dans un équipement, souvent mobile, pour tenter d’empêcher, ou en tout cas de rendre plus difficile l’extraction. Même si, d’un point de vue extérieur, l’emprisonnement semble matériel, il n’est en fait que logiciel, ces équipements étant verrouillés par leur système d’exploitation et non par leurs fonctionnalités techniques d’origine.

Dans les deux cas, l’oeuvre est toujours stockée quelque part, le nerf de la guerre se résume finalement à placer la difficulté de récupération suffisamment haut pour dissuader le plus grand nombre de procéder à une copie.

L’utilisateur reste, dans tous les cas, dépendant du bon vouloir de l’éditeur de la solution. Si celui-ci estime que tel périphérique ne représente pas un marché justifiant l’effort de développement, il ne pourra tout simplement pas jouer ou afficher le contenu.

Dans le cas particulier de l’application rendant le contenu captif, l’utilisateur est, en plus, littéralement dépossédé de ses contenus. Le marché tend vers une virtualisation totale : on ne parle plus d’acheter un contenu mais d’y accéder.

C’est somme toute une évolution logique, peut-être la seule réponse plausible au prétendu problème de la copie non maîtrisable : proposer une masse phénoménale de contenus d’une qualité maximale et correctement référencés avec l’obligation de payer pour continuer à y avoir accès. Il n’a de toute façon, même au temps où l’achat de support prévalait, jamais été question d’être propriétaire des oeuvres, au sens juridique du terme.

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Ceci étant, depuis quelques années, toujours sur le marché de la musique, avec une longueur d’avance sur les autres, les distributeurs reviennent doucement aux formats interopérables, allant même jusqu’à proposer plusieurs formats et qualités pour les oeuvres. C’est au risque de voir les oeuvres disséminées par la suite, mais ni plus ni moins qu’avant et avec la possibilité de les suivre au moyens de divers systèmes de tatouages numériques qui suivent l’oeuvre partout, l’utilisateur n’étant plus contraint à d’obscures manipulations, pouvant faire disparaître ces marquages, pour les copier.

Une sorte de statu quo se profile donc : « vous n’êtes plus entravé dans vos usages mais en contrepartie, nous saurons que vous êtes à l’origine d’une copie que nous n’avons pas autorisée si l’on retrouve vos MP3 à l’autre bout du monde ».

Ce serait oublier un peu trop vite que le logiciel est malléable à souhait. Si ce n’est pas déjà le cas, certains proposeront très rapidement les logiciels nécessaires pour supprimer ces marquages, redonnant naissance à la montée en armement bilatérale que nous observons déjà depuis quelques temps.

De la même façon, la captivité des contenus dans des applications peut relativement facilement être cassée. La banalisation des outils nécessaires n’est qu’une question de temps et leur utilisation de masse est directement en lien avec les entraves mises aux usages.

*

Le préjudice réel issu de ces guerres sans fin et sans fond n’a semble-t-il pas encore été cerné par les principaux acteurs. Le numérique est une révolution dans les possibilités de dissémination et de conservation des contenus. Encore faut-il pour cela qu’ils soient accessibles.

Certains professionnels arguent que les prix des contenus numériques sont encore élevés à cause des investissements nécessaires, notamment en développements logiciels et en plateformes techniques de diffusion. Le gros de ces coûts est directement engendré par les protections voulues par les industriels. Les supprimer permettrait de diffuser quasi gratuitement tout type de contenu.

Limiter la copie, par un artifice technique ou une menace quelconque, entraîne à long terme la disparition dudit contenu. Et c’est sans même parler du simple fait qu’internet n’est finalement, par nature, qu’une gigantesque une machine à copier et que se battre contre cet état de fait est au mieux contre-productif et au pire dangereux vis à vis de l’ensemble des possibilités qu’il a créées par ailleurs.

Combien d’oeuvres, qui pourraient être accessibles aujourd’hui sans porter aucun préjudice financier ou moral à qui que ce soit, finiront par disparaître avec les industriels qui les ont éditées ?

Combien d’entraves à la libre expression de tous devront être posées pour le seul bénéfice d’une poignée d’industriels ?

Combien de trésors culturels vont s’éteindre ou ne jamais voir le jour au nom de la protection contre la copie de quelques navets tout juste bons à sonoriser une soirée bière-foot ?

2 Comments »

  • Seafire said:

    Ahhhh ca faisait un bout de temps, je commençaia m’inquiéter !!!! la maison avance ¿
    Oui je sais, je suis HS ….

  • fontana said:

    Salut Spyou, ça fait un moment…
    Merci pour l’article. Pour ce qui est de la copie, le problème est insoluble : on ne pourra jamais empêcher un utilisateur d’installer une carte son et d’enregistrer le signal de sortie avant les enceintes… Et ça en « vraie qualité CD » ;). De même les marqueurs et métadonnées sont déjà très facilement modifiables. Et pour finir même si on imagine des marqueurs en fonction du signal audio (variations dynamiques, fréquence moyenne, etc…) les logiciels d’édition audio (cubase et cie) permettent de modifier quelques détails imperceptibles à l’oreille qui modifieront de facto cette empreinte.
    Conclusion : à moins de contrôler 1. La vente des cartes son 2. L’acquisition des logiciel d’ingé son il n’y a pas de solutions… Reste à modifier le rapport de confiance artiste/public qui seul peut empêcher une certaine sorte de piratage.
    À bientôt ??

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