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HADOPI expliquée à ma mère

9 octobre 2010 6 commentaires
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[Je m’excuse d’avance auprès de l’intéressée pour le titre]


Crédit photo : Bogdan Ioan Stanciu (flickr)

J »ai écris la base de cet article il y a quelques temps, mais le chat d’hier avec Eric Walter et le Parti Pirate m’a a nouveau prouvé que beaucoup de gens, même technophiles, n’ont toujours pas compris ce qu’était HADOPI.

On entends souvent, depuis quelques mois, la comparaison entre les radars routiers et HADOPI. L’exemple n’est pas mauvais, mais il n’explique pas réellement HADOPI. Je m’en vais vous en proposer un autre pour bien illustrer le fonctionnement de la loi.

Nous avons 4 acteurs en présence :

  • Les ayants droits que nous comparerons a eux-même. Dans notre exemple, ce seront les auteurs de fort belles toiles et les propriétaires du musée ou les toiles sont exposées.
  • TMG, une entreprise privée qui s’occupe de la sécurité dans le musée.
  • HADOPI, représentant l’ordre public, l’état et la collectivité.
  • Vous.

Le postulat de départ est le suivant : les auteurs des toiles ont, depuis un bon moment, remarqué que de plus en plus de visiteurs copient leurs oeuvres.

Une minorité font commerce de ces copies, mais l’immense majorité ne font que partager. Le législateur a donc octroyé depuis longtemps le bénéfice d’une taxe à ces ayants droits, taxe prélevée sur tout ce qui peut permettre de copier ces oeuvres pour compenser le manque à gagner.

Ceux qui en font commerce sont, quant à eux, poursuivis depuis toujours pour être mis derrière les verrous, mais les sociétés de sécurité du musée n’ont aucun pouvoir sur les gens qui copient chez eux, puisqu’ils n’ont aucune légitimité à y entrer. La donne est modifiée de nos jours puisque le partage s’effectue via un réseau qui peut être espionné.

Vous payez votre entrée au musée. Cela vous donne donc le droit de photographier les oeuvres pour votre usage privé (ce sont les termes utilisés par la loi). Certains considèrent que le partage a grande échelle (sur internet, par exemple) relève de l’usage privé. C’est une question de terminologie.

Le manque à gagner étant considéré comme galopant par les ayants droits, données restant par ailleurs à prouver, et la poursuite en justice de chacun des visiteurs du musée étant plus coûteuse et dégradante pour l’image de marque qu’autre chose, nos peintres ont imaginé un stratagème de toute beauté : HADOPI.

Ne pouvant pas interdire aux gens d’entrer dans le musée avec papiers et crayons ou appareils photo et ne pouvant pas non plus engager les ressources juridiques nécessaires à la poursuite de ceux qu’ils considèrent comme outrepassant les prérogatives de la copie privée, une autorité a été créée pour orchestrer la distribution de coups de règles sur les doigts et les aider à rendre les musées plus attrayants.

Cette autorité n’a toute fois aucun moyen technique de déceler qui copie comme un cochon et qui se « comporte bien ». Elle ne se base donc que sur les indication de la brigade privé des musées (TMG) dont le travail consiste simplement à regarder partout et à prendre des photos faisant office de preuves.

Comment vous expliquer le procédé ? Imaginez que vous ayez dessiné la Joconde et que vous faites 1000 exemplaires de votre dessin que vous déposez un peu partout pour qui voudra bien les prendre. L’agent de TMG (un programme informatique hein, pas une vrai personne) va vous prendre en photo en s’arrangeant pour qu’un petit bout de votre dessin apparaisse sur la photo et décréter que vous partagez l’oeuvre d’autrui illégalement.

Elle va ensuite dire à la HADOPI « celui la, regardez, il partage des dessins contrefaits, la preuve, le petit trait la, dans le coin de la feuille qu’il a dans la main, il y a le même sur un tableau dans le musée du type qui nous paie ».

TMG n’a aucune obligation de transmettre l’oeuvre entière à la HADOPI pour pouvoir confronter le petit bout d’oeuvre sur la photo. La HADOPI n’a donc aucun moyen technique de vérifier les dires de TMG. Elle n’a à sa disposition que la bonne parole de personnes rémunérées (grassement) par une des parties prenantes dans le conflit.

La parade que certains croient infaillible, pour prouver son innocence, c’est d’installer des caméras partout ou l’on va avec un enregistrement permanent de tout ce qu’on fait pour pouvoir montrer à la HADOPI que non, on n’a pas distribué quoi que ce soit illégalement.

Les questions qu’on peut valablement se poser sont donc :

  • L’accroissement des personnes bénéficiant du partage est-il une raison suffisante pour ajouter un volet répressif (ou pédagogique, question de point de vue) tout en maintenant (voir augmentant) une taxation des moyens de copie ?
  • L’avènement des possibilité de copie sans dégradation des oeuvres (le numérique) n’est-il pas le signal qu’il faut repenser le mode de fonctionnement de la rémunération des ayants droits ?
  • De façon plus globale, un phénomène global de société (même s’il n’est pas chiffré précisément) doit-il être combattu, quel qu’en soit le prix ?

6 Comments »

  • Grunt said:

    « Ceux qui en font commerce sont, quant à eux, poursuivis depuis toujours pour être mis derrière les verrous, mais les sociétés de sécurité du musée n’ont aucun pouvoir sur les gens qui copient chez eux, puisqu’ils n’ont aucune légitimité à y entrer. La donne est modifiée de nos jours puisque le partage s’effectue via un réseau qui peut être espionné. »

    Ta comparaison est biaisée, je trouve. Les gens ne diffusent pas les copies « chez eux », et le réseau n’est pas « espionné » par TMG.

    Diffuser une oeuvre sur un réseau de P2P est une publication. Ce n’est pas forcément évident pour les non-technophiles (qui ont l’impression, après avoir passé l’après midi à enlever le bandeau de la mule, d’entrer dans une petite communauté), mais c’est pourtant le cas: tu annonces au reste du monde, à qui veut bien l’entendre « Héé, les gens, je dispose d’une copie de cette oeuvre, voilà mon adresse IP, je vous en donne un morceau! »

    Si ce que fait TMG est considéré comme de l’ « espionnage », alors il faut en déduire que les utilisateurs du P2P s’espionnent les un les autres. Que Google espionne les webmasters en indexant le contenu publié sur le Web. Que tous ceux qui liront ce commentaire m’espionnent. Est-ce vraiment le bon vocabulaire? J’ai décidé de venir sur ton blog, d’y poster un commentaire, c’est normal que n’importe qui y accède. Que quelqu’un qui s’estimerait lésé par ce commentaire puisse en prendre connaissance et porter plainte.
    Si je décide d’aller sur un tracker torrent et de publier le fait que je partage une oeuvre, c’est exactement la même chose!

    « De façon plus globale, un phénomène global de société (même s’il n’est pas chiffré précisément) doit-il être combattu, quel qu’en soit le prix ? »

    Je suppose que tu milites pour la dépénalisation des drogues douces, la vente d’alcool dès 15 ans et l’assouplissement à coup de hache du code de la route?

  • Bruno (author) said:

    AAaahh enfin une réaction ! Je me demandais jusqu’où je pouvais aller :)

    Pour le début, « chez eux », c’était l’exemple extrême, mais effectivement, il aurait été plus probant en disant « dans la rue ». Maintenant, hormis la simplicité d’accès, quelle différence entre le P2P actuel et les méthodes à l’anciennes de la belle époque des listes de logiciels et de K7 audio & VHS envoyées par courrier à de parfaits inconnus rencontrés via des fanzines pour partager ?

    Pour les exemples d’activités en ligne répréhensibles, Eric Walter va encore dire que je n’avance aucun chiffre vérifié, mais que se passerait-il si l’usage social général était d’insulter copieusement le premier venu sur les blogs ? Des coutumes de certains pays nous semblent, chez nous, relever du répréhensible, pas la bas. Du temps ou il était autorisé de fumer dans les bars et les restaurants, a-t-on crée une haute autorité permettant aux non fumeurs de faire découper les cigarettes des fumeurs au motif de la dégradation des autres ? (ok, c’est un peu capillotracté, mais tu vois l’idée).

    De manière générale, je milite pour un usage et un comportement réfléchi et, dans une certaine mesure, socialement accepté. Pour reprendre les exemples des drogues de l’alcool et des comportements routiers, la pénalisation de la drogue est une ingérence dans le comportement privé des gens, l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs est une ingérence dans l’éducation que doivent apporter les parents et le durcissement du code de la route est une ingérence dans le civisme que tout un chacun se devrait d’avoir.

    Attention, je ne dis pas qu’il faut retirer tout ça, je dis simplement que c’est déplorable de devoir avoir des lois contre ça. Maintenant, si une société dans son ensemble accepte le fait que des chauffards écrasent des enfants qui attendent le bus, on peut trouver ça absolument révoltant, mais ce sera comme ça.

    De la même manière, on peut trouver ça abjecte que des gens partagent l’oeuvre d’autrui sans payer, mais si la majorité de la société a cette pratique, il me semble déplacé de la pénaliser, surtout lorsque la solution ne règle pas le problème (en tout cas celui qui est mis en avant, la rémunération des créateurs) et qu’il existe des voies alternatives à explorer et à travailler pour le régler (par exemple décourager l’usage dit illégal en proposant un usage légal largement plus facile)

  • dju- said:

    A moi de me faire l’avocat du diable…:)
    « quelle différence entre le P2P actuel et les méthodes à l’anciennes de la belle époque des listes de logiciels et de K7 audio & VHS envoyées par courrier à de parfaits inconnus rencontrés via des fanzines pour partager »

    Pour le coup, ces différences sont assez clairement identifiées : le volume, l’efficacité, et la rapidité des échanges. Ce qui fait que le citoyen lambda entre directement en « concurrence » (ou pas) avec des distributeurs de l’ancien temps /moines copistes. Je ne pense pas qu’il faille non plus pousser la comparaison avec le partage trop loin. Si personnellement, j’apprécie de pouvoir partager des Teras de musique à mon voisin de palier(roh), le fait est qu’aujourd’hui, les logiciels de partage sont conçus de telle manière que les vraies relations entre les « partageurs » sont quasi-inexistantes. Je pense que cet apect est dommage et que cela enlève de la crédibilité aux défenseurs de solutions alternatives…

    Je suis d’accord avec toi pour dire que cette usine à mail eu… à gaz est loin d’être un modèle de pédagogie. Si la répression avait un effet miracle sur l’éducation des enfants, il y a longtemps que ça saurait… malheureusement, contrairement à ce que pensent les hautes instances, c’est un tout petit peu plus compliqué.

  • Bruno (author) said:

    Le volume, l’efficacité et la rapidité, ce que je résumais par « la simplicité d’accès », mais c’est bien de le développer :)

    Mais il ne faut pas oublier d’ajouter à tout ça les trois points :
    – Il n’y a toujours que 24h dans une journée, et c’est déjà pas assez suffisant pour écouter toute la musique qu’on a légalement acheté
    – Si tant est qu’on ai le temps de l’écouter et d’avoir encore du temps pour aller chercher des fichiers sans les payer, irait-on les acheter si on ne pouvait pas les avoir gratuitement ?
    – Avec le nombre de sites proposant l’écoute (légale) de musique en streaming sans payer et le développement des appareils mobiles connectés en permanence, j’en viens a me demander s’il est réellement pertinent de différencier le download du streaming.

    Si on ajoute à cela le coté downloader ccompulsif de certains qui n’iront jamais écouter (ou regarder) plus de 0.1% de ce qu’ils ont « en stock » … J’aimerais vraiment beaucoup qu’une étude sérieuse se penche sur le chiffrage de ces points.

  • obinou said:

    Je pense que la rupture se fait sur un différence importante de logique:
    – Les ayants-droits considèrent le téléchargement comme un manque à gagner parce que, pour eux, il n’est pas concevable qu’on puisse avoir quelque chose à disposition sans avoir envie d’en profiter:
    Si l’on achète un disque, c’est qu’on a l’intention de l’écouter => Si l’on télécharge une musique, c’est qu’on a l’intention de l’écouter.

    – Or, le fait que le téléchargement soit « forfaitaire » implique que souvent on télécharge « au cas où »: Je ne compte plus les fois ou j’ai récupérer des 100aines de giga sur le disques de potes, ou en téléchargement, « juste en cas ». Des dossiers que je n’ai jamais ouvert, ni même jamais décompressé, et même que parfois j’ai perdu suite à un crash disque.
    Le plus souvent ce sont des choses que je n’aime même pas.

    Pourquoi je les gardes ? Au cas ou. Au cas ou quelqu’un me le demande, au cas ou il y a une soirée, ou parce que ce que je n’aime pas aujourd’hui, je pourrais l’aimer demain.

    Et je ne considère pas cela négativement: Si je n’avais pas toute ces données, que se passerait-il ? Rien, probablement.

    Et pour moi, partager ces données est quelque chose de positif, comme aider quelqu’un à trouver son chemin dans la rue sans lui faire payer le service (Bientôt une demande de HADOPI-3 de la part de nokia, sous prétexte du manque à gagner sur la vente de GPS ?)

    Certes, je déplore aussi un peu la perte d’humanité des réseaux P2P comparé à l’échange de K7 dans les cours d’école. Mais en contrepartie, on a l’efficacité, et surtout l’exhaustivité…

    D’une manière générale, Grunt, le « phénomène de société » dont on parle n’est PAS de priver les créateurs de leurs rémunération ni de la paternité de leurs œuvres.
    C’est, par contre, leur enlever le contrôle des canaux de distribution, contrôle qu’ils avaient déjà perdu en passant par des prestataires de service au nom de « ayant-droits ». Ce sont ces prestataires qui sont rendus inutiles, et qui se battent.

    A mon avis la question légitime, c’est de savoir si OUI ou NON un auteur possède tous les droits sur son œuvre, en particulier celui de choisir qui peux en profiter, de quelle façon, sur quel support, combien de temps, à quelle heure et à quelle date…

  • dju- said:

    « C’est, par contre, leur enlever le contrôle des canaux de distribution, contrôle qu’ils avaient déjà perdu en passant par des prestataires de service au nom de “ayant-droits”.

    A noter que ce ne sont pas vraiment les créateurs qui avaient ce pouvoir, mais plutôts les producteurs / distributeurs. Les créateurs étaient contraints de passer par ces « prestataires » intermédiaires de distribution qui s’engraissaient au passage. Peu d’entre eux ont pris conscience qu’ils pouvaient eux-aussi devenir les propres acteurs de leur distribution via le réseau.

    Pour ce qui est de posséder les droits de distribution/d’accès sur une oeuvre, dans les faits, une fois une oeuvre publiée, avec Internet ou non, le contrôle de distribution disparaît. J’ai envie de dire que c’est la définition même d’une oeuvre de l’esprit… et qu’Internet n’a fait qu’amplifier cette propriété.

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