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Tenir jusqu’à demain

30 mars 2020 3 commentaires
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[Désolé si cet article te fous le bourdon. Encore plus désolé si t’étais déjà pas en super état. Article sous licence CC0]


Crédit photo : traaf

Depuis plusieurs années, voir décennies pour certains, quelques personnes s’activent et travaillent ce que certains qualifient de « modèles alternatifs ». On les nomme parfois collapsologues, survivalistes voir même communistes ou 68tards-très-tard. Jusqu’à il y a peu, c’était le plus souvent pour se moquer d’eux. Et puis, il y a tous ceux dont on ne se moque pas mais qu’on ignore royalement sauf quand on a besoin d’eux. Les like sur les pages facebook et les retweet, ça fait plaisir, mais quand on a besoin de bras et de jus de cerveau pour avancer, ça n’aide pas tant que ça.

La réalité, c’est que ces « modèles alternatifs » sont entrain de réaliser de petits miracles pour aider du mieux qu’ils peuvent les seuls qui tiennent encore le monde à peu près à flot. Ceux qui nous sauvent, ceux qui nous soignent, ceux qui nous nourrissent, ceux qui nous protègent, ceux qui transportent encore le peu d’entre nous qui se déplacent, ceux qui ramassent nos déchets, les plus mal payés de notre bel univers capitaliste, en somme. Ce sont eux qui triment et ce sont des bénévoles dans des garages qui assurent le SAV de notre état réformé qui, pendant ce temps, pond ce qu’il pond le mieux : des papiers et des flics pour les vérifier.

On sait très bien que derrière les like et les retweet, que derrière les applaudissements le soir il y a des gens qui admirent réellement ce qui est fait et, pour certains, qui voudraient aider mais qui sont, comme beaucoup, pris dans leur roue de hamster à travailler pour pouvoir nourrir la bête et avoir le droit de manger et de se chauffer. Oui, même après 2 semaines de confinement, la roue tourne toujours, même si le hamster est posé à côté en se demandant ce qui lui a fait faire la culbute et l’a éjecté de sa roue.

 

Oui mais voilà, pour aider, encore faut-il savoir comment.

Habituellement, dans un groupe déjà constitué, la marche est haute pour s’intégrer. Certains ne sont pas forcément super avenants, souvent sans même s’en rendre compte, et ceux qui sont le plus à même de produire de la documentation, d’accueillir et de guider les nouveaux arrivants sont généralement ceux qui sont le plus sollicités et ont le moins de temps de cerveau disponible. Rares sont les groupes qui parviennent à mener de front leurs activité et l’accueil de nouveaux arrivants, qui plus est lorsqu’ils ont un fonctionnement horizontal. Gloire à ceux qui savent le faire. Écrivez la doc, SVP !

Pourtant, surtout en ces temps de confinement, une grande quantité de temps de cerveau est disponible. Il nous faut donc une armée de coordination et d’accompagnement. On paie aujourd’hui le défaut d’organisation d’hier et les sempiternels débats qui, s’ils sont intéressants pour structurer les choses, ne font concrètement pas souvent avancer le schmilblick.

 

Il faut aussi pouvoir s’y retrouver dans une jungle toujours plus touffue de sites, de projets et d’initiatives.

Nous avons besoin d’une communication claire et de points d’entrée identifiés par zones géographiques pour  permettre à ceux qui veulent aider de trouver rapidement les moyens de contacter les personnes qui vont pouvoir les guider sans avoir à réinventer en permanence la roue et le fil à couper le beurre et, surtout, permettre à ceux qui ont besoin d’aide de trouver, sinon des solutions, mais au moins un contact qui pourra leur dire « oui », « non » ou « peut-être ».

 

Il faut également penser à nos propres organisations.

Promouvoir le local, recréer du lien, c’est très salutaire même si certains termes ont été repris par les bouches vociférantes de la startup-nation.

Quand la coordination de tes actions repose sur des outils numériques aux mains de multinationales étrangères dont le seul bénéfice cumulé suffirait à boucher le trou annuel du budget de plusieurs pays Européens, ou est le sens, quelle est la logique ? Est-on tous bien conscients des risques encourus par nos organisations quand on ne maîtrise pas nos outils ? En temps de confinement, on se passera difficilement du numérique, mais il est peut être temps de penser une organisation qui repose moins sur le numérique et, en attendant de pouvoir la mettre en place, de s’organiser avec des outils gérés et maîtrisés plus localement, même s’ils sont parfois moins avenants et réclament plus de travail et de temps personnel et collectif ?

 

Enfin, il faut regarder la réalité en face.

Il y a moins d’un mois, ont était exhortés à sortir au théâtre et en terrasse et notre ex-première-cruche faisait la rebelle en public. Ils nous ont ensuite juré la main sur le cœur qu’on était prêts à faire face et que les écoles ne fermeraient pas pour … les fermer 2 jours plus tard. On a ensuite eu le droit au maintient du premier tour des municipales pour ne pas faire flipper trop fort trop vite, pour mieux … nous confiner le surlendemain : « mais c’est que pour 2 semaines, ça va bien se passer ». On en est donc à l’épisode 7 qui, sans surprise rajoute quelques semaines de confinement et se termine avec un cliffhanger terrible façon « peut-être bien que ce sera plus long ». Vivement jeudi prochain et la coulée générale d’hydrochloroquine directement dans nos robinets et l’épisode suivant ou « ohhh ben dis donc ça crée des problèmes cardiaques »

Ce sont des parents irresponsables et nous sommes des lapins de 3 semaines. Non pas parce qu’ils ne sont pas préparés, posés, organisés et prévoyants, personne ne l’est, mais parce qu’ils continuent le cinéma médiatique habituel, qu’ils savent la vérité et qu’ils ne la disent pas : on ne se débarrassera pas de cette saloperie sans, au choix, une immunité collective ou un vaccin. Et comme l’immunité collective n’est toujours pas assurée et qu’il faut 12 à 18 mois pour développer un vaccin, il ne faut pas sortir de Saint Cyr pour envisager ce qui va se passer ces prochains mois.

Soit on se donne les moyens de rester confinés jusqu’à avoir une solution, soit on admet qu’on va sacrifier tout un tas de gens pour sauver l’économie mondiale pour que ceux qui restent puissent reprendre une vie normale.

 

On gère l’urgence, tout le monde gère l’urgence. Avec le secret espoir qu’on pourra se mettre une grosse mine à la fin de tout ce bordel, fin qu’on sait repoussée de jour en jour mais qu’on espère toujours voir arriver avant la fin de l’année scolaire pour profiter de nos plans prévus cet été.

Désolé de contrarier tes plans mais non, tu n’ira pas en vacances à la mer en juillet. Peut être qu’on ne sera plus confinés, mais la probabilité que le village vacances que t’avais réservé soit en cours de désinfection ou en faillite est forte. Et s’ils sont prêts à te recevoir, c’est peut être toi qui n’aura plus une thune pour y aller. Et si tu t’es pas trop mal démerdé, t’ira peut être quand même pas parce que bêtement le pétrole pour faire rouler ton carrosse te sera inaccessible.

Pendant ce temps, les marchés ont été quasi divisés par deux, le brent a chuté de 60%, les banques centrales fument une à une leurs planches à billet, mais comme personne n’entrave rien à l’économie et que c’est à la fois chiant et tabou, on reste bien au chaud en râlant sur nos élus qui font pas leur boulot. C’est rassurant que ce soit la faute d’un autre. Et puis il a voulu l’avoir cette place ? Qu’il assume maintenant. Dans le même temps, on cultive dans notre coin nos petits espoirs de retour à la normale.

Il n’y aura pas de retour à la normale.

Il y aura des morts.

Du COVID-19 bien-sur, mais surtout des crises politiques, policières, pétrolières, économiques, sanitaires et environnementales qui vont suivre ou qui sont déjà en cours.

Et après, bien après, il y aura une nouvelle normalité.

Tu as aimé 1789, 1929 et 1984 ? On va avoir les trois à peu près en même temps. Ça va être surkiffant.

 

Il ne s’agit pas de savoir quoi faire pour qu’on n’aille pas dans le mur mais de savoir ce que qu’on va faire pour que ça fasse moins mal quand on va se le prendre dans la gueule.

Ouais, je sais, c’est déprimant. Déso .. pas déso.

Ouais, je sais, peut être que je me fais des films. Si c’est le cas, tant mieux, je me mettrais une mine plus grosse que la tienne à ce moment là.

C’est pas grave si tu reste planté là à te dire qu’il suffit juste de laisser passer la tempête ou que tu fais partie de ceux qui se disent « ohh ça va, on a vu pire, on s’en est sortis ». Si un jour tu change d’avis, sache que tu sera le bienvenue.

Mais si tu veux faire quelque chose, prends ta passion, ton talent, ou la première idée qui te passe par la tête, trouve des gens qui font des choses dans le même genre, fais ton possible pour t’intégrer à des groupes existants, demande comment tu peux aider, redemande le, ne pinaille pas sur des conneries, donne toi le droit à l’erreur et à l’échec, donne ce même droit aux autres, explique ce que tu sais mais ne t’y accroche pas à tout prix, et aide ceux qui en ont besoin quand ils le demandent.

Prends soin de toi et des autres.

 

Playlist : Soprano – Hiro, Leïla Huissoud – Mon Français, Linkin Park – Castle of Glass, Omnia – Earth Warrior, Saez – Jeune et Con, Patrick Bruel – Maux d’Enfants, Lindsey Stirling – Crystallize, Grand Corps Malade – Dimanche Soir, Pentatonix – The Sound of Silence.

3 Comments »

  • molotov said:

    Entièrement d’accord avec votre analyse. Il faut aussi qu’une grande partie de la population se réveille…le rêve est fini.
    Bonne continuation.

  • dnartreb89 said:

    Si on observe les pertes de biodiversité, de paysage, de sens a nos vies conditionnée pour être consommateur plutôt qu’acteur, de liens sociaux et j’en passe. Si on observe déjà simplement tout ce qui est déjà détruit. L’effondrement est déjà là, il a déjà commencé. Et on a carrément du pain sur la planche. Merci pour ton article. 😁

  • Agnès Spiquel said:

    Non, ça fout pas le bourdon ; car c’est plein d’énergie.
    Ce qui fout le bourdon, c’est ceux qui pensent à leurs dividendes, ou bien ceux qui engueulent la vendeuse à la boulangerie ou à la pharmacie, simplement pour se passer les nerfs, ou bien ceux qui veulent à tout prix partir en vacances.
    C’est comme en 68 (oui, je suis une vieille – de ceux qu’on jette comme des kleenex usagés parce qu’il n’y a pas assez de places en réa) : quand l’essence est revenue, les gens n’ont pensé qu’aux vacances et tout a repris comme avant. Non, pas tout – parce qu’on est nombreux quand même à avoir vécu pendant des décennies de la beauté de ces quelques semaines.
    Mais, vous, vous êtes en train de tisser patiemment un autre monde – et vous avez les moyens de votre ambition. Je vous donne ma colère – intacte.
    Simplement, n’oubliez pas : on a essayé, même si on n’est pas arrivés à grand-chose. Mais peut-être que votre énergie créatrice est la preuve qu’on n’a pas tout raté….

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